Philippe Rosedale à Paris : transcription (25 avril 2008)

5 Mai 2008 at 14:24 4 commentaires

Rosedale Paris

–Et toutes les photos de l’événement sur Community Chest Flickr ou chez Stéphane Desnault

Robert Vinet (R.V) : Commençons. Notre après-midi se divisera en deux parties : une première heure, approximativement , où j’aborderai un certain nombre de sujets avec Philip puis nous prendrons des questions de la salle.
Pour commencer, j’aimerais remercier Mr Rosedale d’être présent avec nous : »Thank you Mr Chairman to be there! »
Comme vous le savez, Philip n’est plus le Président de Linden Lab, c’est le Chairman. Il nous donnera certainement sa vision sur le changement de poste qu’il vient d’effectuer.

La discussion s’articulera en trois parties :
1. L’entreprise : Linden Lab aujourd’hui : des questions et réponses sur la société qui nous écrit, nous facture, nous rend mécontent, essaie de nous aider …,
2. Second Life : la plate-forme
3. Vision / prospective : le futur de Second Life et du développement de l’internet 3d.

Le tout suivi de questions de la salle.

Philip Rosedale (P.R) : quand j’étais au collège, la première langue que j’ai tenté d’apprendre était le français. Il s’avère que j’étais définitivement meilleur en langages de programmations …Donc, aujourd’hui, nous parlerons en anglais. Tout d’abord, merci beaucoup, je suis très content d’être ici. J’ai parfois l’occasion de me déplacer, de rencontrer des gens et de parler de Second Life. C’est toujours intéressant. Et, vous représentez, certainement, le groupe d’utilisateurs le plus nombreux que j’ai rencontré. Donc, merci à tous d’être présent !

Partie I: Linden Lab : la société

R.V : Linden Lab aujourd’hui. Pourriez vous nous parler de la structure de l’entreprise ? combien d’employés y a-t-il ? que font-ils ? Parce que pour beaucoup d’entre nous, ce n’est qu’un nom : Linden …

P.R: Linden Lab a été créé en 1999 et il n’y avait, à l’époque, qu’une seule personne. Le premier employé a été Andrew Linden, ingénieur informaticien, comme moi qui ait, préalablement fait des études en mathématiques et en physique. Aujourd’hui, Linden Lab, c’est 250 employés répartis dans 5 bureaux – le plus important à San Francisco – mais aussi à Boston, Seattle, Davis (dans la Silicon Valley) ainsi qu’un petit bureau à Brighton en Grande-Bretagne.

Linden Lab se répartit principalement en 2 grandes équipes :

1. Ingénierie, Développement et Exploitation : cela représente, à peu près 160 personnes qui développent et exploitent la Grid. Une équipe spécialisée de 20 personnes sont responsables de l’Exploitation dont la moitié, 10 personnes, sont en charge 24h/24 et 7jours/7 de veiller au bon fonctionnement de Second Life. Les autres membres de cette équipe est un mélange d’informaticien, de responsables qualités et de gestionnaire de programme, etc.
2. Customer support : l’équipe des Concierge qui représente une vingtaine de personnes.

Enfin, le reste de l’équipe qu’on appelle les « Overhead » sont le marketing, les RP (1 personne …), etc. Robin Harper que certains d’entre vous connaissent, travaille dans cette équipe au marketing. Et quelques autres groupes de personnes qui complètent l’entreprise.
Nous sommes profitables, ce que la plupart d’entre vous savez, nous sommes « self sustaining », nous ne cherchons pas d’investisseurs externes.
Nous essayons de recruter de nouveaux talents mais pas aussi rapidement que nous le voudrions, Second Life demeurant encore un mystère pour beaucoup de gens.

R.V: Et qu’en est-il de la Grid, conçue pour être opérationnelle 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 ? ? Pourriez vous nous parler de la structure technique qui la sous tend ?

P.R: En ce qui concerne l’architecture technique de Second Life, à chaque île correspond un serveur, une CPU ; nous en avons aujourd’hui 18 000 dans trois lieux physiques différents aux Etats-Unis : San Francisco, Dallas et Phoenix. Au maximum actuel de son débit, vers 14h00 (SL time) principalement lors de l’arrivée des européens, cela représente 65 000 personnes en ligne, 10 gigabits / seconde de trafic réseau. Ces serveurs doivent pouvoir être mis à jour très rapidement et cela représente beaucoup de travail. La Grid est opérationnelle tous les jours 24h / 24.

R.V. : Ces serveurs se trouvent, donc, dans trois endroits différents. Ces serveurs gèrent des îles différentes, des natures de données différentes ?

PR: Oui, ils représentent des zones géographiques différentes. La plupart sont à San Francisco (les services centraux) qui gèrent, aussi, les connexions (login), les transactions monétaires, etc. Nous avons construit SL autour de la notion de machines de simulations, en se préoccupant de natures d’objets auquel personne ne croyait. L’architecture de Second Life est principalement issue de notre préoccupation initiale : simuler la réalité du monde. Construire un monde virtuel représentait un rêve et cela a été un combat de survivre pour notre projet et d’y amener des investisseurs au début. L’année dernière, soudain nous avons connu le succès. Nous n’avons pas construit le monde aussi bien que nous l’aurions souhaité. En conséquence, certaines des solutions que nous avons dû trouver ont été réalisé rapidement et approximativement. Aujourd’hui, le parc d’ordinateurs sur lequel fonctionne Second Life est sain.

R.V: Vous nous avez dit que Linden Lab gagnait de l’argent. Dans cette salle ne sont présentes que des personnes qui vous donnent de l’argent. Quel est votre modèle économique aujourd’hui ?

P.R: Oui, Linden Lab gagne de l’argent. Nos sources de revenus principales proviennent des comptes Premium, de la création de nouvelles îles et de la gestion de l’économie, entre autres par l’émission de L$ pour accompagner la croissance de l’économie.

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RV: Vous avez aujourd’hui des partenaires importants comme IBM et quelques autres. Vous avez, donc, des « amis ». Mais comment choisissez-vous vos « amis » et pourquoi ?

PR: Oui, nous commençons à avoir d’importants partenaire mais notre priorité est de construire des partenariats autour de la technologie et du savoir-faire et pas des partenariats autour du contenu qui nous amènerait dans une situation de concurrence indue. Notre partenaire principal est IBM qui installe la Grid sur ses propres serveurs. En fait, tous nos partenariats sont des partenariats technologiques.

R.V : Vous êtes depuis récemment à la recherche d’un nouveau CEO. Quel est votre nouveau rôle aujourd’hui car ce n’est pas très bien compris dans les pays européens ? Quel sera le rôle du nouveau CEO ? Et comment voyez vous cette complémentarité dans le fonctionnement et le développement de la société ?

P.R: Je comprends. Je suis un ingénieur de formation, diplômé en physique et ma formation première est le génie physique ; mes meilleures compétences concernent le design, la technologie et la stratégie de développement technique. Maintenant que Linden Lab a connu une croissance phénoménale, gérer l’entreprise est devenu un challenge de plus en plus important et je ne crois pas avoir les meilleurs talents pour la gérer au quotidien.
Mon souhait était de trouver quelqu’un de neuf pour faire cette partie du travail que j’ai toujours faite. Il est, en effet, peu commun d’annoncer que l’on recherche un nouveau CEO avant de l’avoir embauché. Mais nous voulions vraiment que la bonne personne vienne à nous. Mark Kingdon m’a appelé et nous l’avons embauché comme nouveau CEO. Il sera responsable du leadership quotidien de l’entreprise. En d’autres mots, il fédérera l’équipe autour de lui.

RV: Et vous, quel sera votre nouveau rôle ? Serons nous toujours capable de vous « tenir responsable de tout » comme vous avez aimé le mettre sur le profil de votre avatar dans Second Life ?

PR: Je ne vais pas être du tout un nouveau retraité. En ce qui concerne ma nouvelle fonction, je serai le « Chairman of the Board » avec une responsabilité sur les investissements, etc. et je travaillerai, évidemment, de manière permanente avec Mark. Je ne pars pas du tout mais veux me concentrer plus sur le produit, sur le fonctionnement de Second Life et comment le rendre plus facile à utiliser ou rendre sa croissance et son développement plus aisée.

Partie II : Second Life : la plate forme

R.V: Second Life est, donc, une plate-forme qui fonctionne en continu. Nous allons maintenant vous poser des questions sur ce sujet. Il y a près de 12 mois, Linden Lab a décidé de rendre « open source » la partie client du logiciel. Pour vous, est-ce un succès ou un échec ? Qu’est ce que cela a apporté ? Est ce une approche en laquelle vous croyez réellement ?

P.R: En ce qui concerne l’Open Source, je crois que c’est un énorme succès. Mais nous avons encore besoin de plus de gens pour gérer de bon projets en open source : programmes, code, formulaires, etc. L’implantation de Second Life sur des téléphones mobiles a été construit sur cette base d’open source et je crois beaucoup à cette approche open source parce que nous voulons construire un nouvel environnement qui sera plus grand que le web actuel. Il n’existe aucune autre façon d’atteindre cet objectif que d’avoir une politique de développement fondé sur les principes de l’open source.

R.V: Quelles sont vos intentions en ce qui concerne les parties du logiciel qui sont encore des « logiciels propriétaires » ? Envisagez vous de les remplacer par des équivalents « open source » ?

P.R: Nous adorerions pouvoir le faire et nous essayons d’être le plus open source possible. Nous remplacerons les solutions propriétaires par des solutions open source si celles-ci sont meilleures. Il ne serait pas responsable de produire un logiciel moins bon sous prétexte d’être open source…Mais nous manquons de ressource humaines actuellement pour faire tout ce travail.
Par exemple, nous sommes prêt à utiliser Mono pour que plusieurs langages de scripting et pas nécessairement LSL puissent être utilisés. Cela rendra Second Life plus performant.

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RV: Qu’en est-il des projets visant à rendre l’utilisation de la partie client de Second Life plus facile ? Vous avez le projet Dazzle, je crois ?

PR: Dazzle aide les primo arrivants. Il aide les nouveaux utilisateurs en rendant le logiciel plus professionnel. Nous avons, dans ce cadre, plusieurs priorités : rendre plus facile le téléchargement de la partie client de Second Life, trouver plus facilement la « bonne » façon de marcher, de mettre des vêtements, de trouver des choses, d’interagir avec les autres avatars …Nous avons encore beaucoup de travail pour parvenir à ce que la majorité des nouveaux utilisateurs aient envie de rester dans Second Life …

R.V: Il y a quelques mois de cela, au SLCC, je vous ai entendu déclarer que Linden Lab ne voyait pas la maturité de Second Life avant trois ans ? Ne craignez vous pas qu’en fournissant une version « inachevée » de Second Life, cela n’éloigne certains des nouveaux utilisateurs ?

P.R: Je crois que nous avons la bonne stratégie et qu’il fallait publier la version que nous avions au début et créer l’expérience par petites touches. L’expérience Second Life change en permanence et, on peut dire que probablement que Second Life ne sera pas terminé avant une dizaine d’années. Mais le plus important si on doit se souvenir de nous comme d’une société est d’être celle qui l’a fait tôt, avant les autres. Les mondes virtuels sont inévitables. Ils existent dans la science fiction depuis une vingtaine d’années.

Après l’introduction de la voix dans Second Life l’an dernier, notre projet le plus important est l’implantation du « HTML-on-a-prim ». Et après, nous développons toutes sortes de nouveautés, par exemlpe, l’utilisation du Space Navigator est super pour se déplacer, bouger la caméra … L’utilisation de caméra 3D, comme le montre Mitch Kapor, pour faire bouger son avatar de manière synchrone aux mouvements de notre corps est très intéressante. Mais certains problèmes comme le mouvement des lèvres des avatars pendant qu’ils parlent demeurent éminemment complexes.

R.V: Quels sont vos plans concernant l’architecture de la Grid ? Qu’en est-il d’une possible décentralisation ? Quelle est votre sentiment sur l’implantation de Second Life dans une architecture de type peer-to-peer ?

P.R: Notre responsabilité comme société est d’anticiper la charge et le développement des serveur Second Life. Dans les 5 à 10 ans, leur nombre sera considérable, bien plus important que le nombre de serveurs qu’une société comme nous pourra gérer. Pour bien fonctionner, Second Life devra disposer de serveurs bien distribués et les problématiques d’accès distant et d’interconnexion devront avoir été résolues. Ceci est une étape de développement très importante.

Second Life se généralise et devient plus solide : la répartition de nos serveurs dans plusieurs lieux physiques en est un exemple. Nous voulons utiliser le même type de technologie pour déployer de nouveaux serveurs. De ce point de vue le déploiement de serveurs par IBM derrière leur firewall est une expérience pilote qui devra se généraliser.

En ce qui concerne des approches peer-to-peer dans lesquelles on utiliserait des clients interconnectés pour produire une visualisation du monde virtuel, il s’agit d’un problème très, très complexe. Des questions telles que la sécurité sont peut être insolubles. Je n’ai pas de plan à court terme pour travailler dans cette direction. D’ailleurs, je ne sais même pas si des solutions existeront un jour pour ces problèmes. Mais nous sommes évidemment prêt à implanter ces solutions si elles devaient voir le jour! Quelques approches existent comme l’architecture de Croquet, mais tout doit être basé sur un modèle de confiance entre les pairs et c’est éminemment complexe.

R.V: En ce qui concerne la politique commerciale de Second Life, avez vous des projets nouveaux qui pourraient impacter les résidents ? Par exemple, les objectifs du projet « Travaux Publics et Revitalisation du Mainland » semble particulièrement obscurs …

P.R: C’est tout simple. Une personne de Linden Lab voulait travailler sur ce type de projet. Et notre idée demeurant de faciliter les échanges entre les résidents, nous faisons certaines de ces expériences sur le Mainland.

RV: Le prix des sims, le prix d’accès à Second Life suit une courbe plutôt erratique. Quelle est votre ligne de conduite sur ce sujet ? Que couvrent financièrement ces coûts ?

PR: Avec le prix actuel d’installation des sims, nous faisons une marge financière tout à fait raisonnable. Quand nous permettrons aux gens d’interconnecter leurs serveurs avec les nôtres, ils pourront à leur tour fixer leurs coûts d’accès. Malheureusement comme l’installation de nouvelles îles requiert de nouveaux serveurs, nous devons fixer un prix d’installation. Et nous ne pouvons évidemment pas complètement prévoir leur prix qui est lié à l’évolution du marché du matériel informatique. Dans ce domaine, plus de concurrence devrait apporter du bon.

R.V: Pouvez vous nous parler un peu du « Second Life Brand Centre », qui est un nouvel aspect de votre politique commerciale mais qui apporte plusieurs contraintes, entre autres sur les conventions de nommage…Cet annonce a suscité beaucoup de commentaires…Et nous partageons tous une certaine perception sur la brutalité de certaines annonces faites par Linden Lab, par exemple les annonces du dimanche soir …

P.R: L’explication la plus simple est que nous tentons de gérer Second Life comme un bien public (comme Wikipedia). Même dans les cas de Second Life ou Wikipedia, existent encore une marque et un nom et ceci devient une question compliquée.Parce que pour le bien de chacun, il n’est pas possible de définir l’administration d’une marque comme Second Life comme étant une marque dont 10 millions de personnes sont propriétaires. Je ne connais aucune organisation qui pourrait raisonnablement réfléchir de cette manière. Qu’auriez vous fait ? Faire voter les gens ?

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RV: Ce que vous dites est tout à fait raisonnable, bien sûr. Second Life doit défendre sa marque. Cependant, nous observons que des changements sont apparus dans votre approche …

P.R.: Une fois de plus, je vous rappelle que nous avons une équipe marketing et RP de petite taille. Nous sommes une société de technologie. Nous n’avons certainement pas passé le temps suffisant historiquement à nous poser les questions de ce qu’il fallait faire sur l’utilisation de notre nom et de la marque Second Life… Au fur et à mesure du recrutement de nouveaux talents, nous essayons d’apprendre et de devenir plus intelligents et avons à traiter ces questions qui avaient été laissées pour compte. Au fur et à mesure de la croissance de la communauté des Second Life, ces questions peuvent devenir problématiques. Au fond, nous souhaitons protéger cette marque de la manière la plus minimaliste possible. Le challenge que nous nous sommes posé est de gérer cette marque à l’intérieur des contraintes posées par le Brand Center. Je ne crois pas que nous ayons fait des règles particulièrement strictes.

R.V: Je vous sais particulièrement fan d’indices de mesure de performances. Continuez vous à développer des indices pour la mesure d’un meilleur service ? Des choses qui ne soient pas que des chiffres mais la vérité derrière ces chiffres ?

P.R: De mon point de vue, les statistiques les plus importantes concernent l’uptime, le crash rate et le framerate : ils permettent de mesurer le bon niveau de fonctionnement de Second Life. Depuis le SLCC, nous publions tous ces indices et ils nous semblent particulièrement adaptés et nous continuons à ajouter de nouveaux instruments de mesure. Je crois que nous faisons plutôt un bon travail de mesure de nos performances.

Évidemment, je dois devant vous m’excuser car du point de vue de la performance, nous avons eu un mois d’avril particulièrement exécrable : entre autres, une panne réseau massive bizarre dans sa façon d’arriver mais au fond sans surprise. Nous avons eu plusieurs interruptions de service, entre autre dues à des pannes de switch haute capacité chez notre FAI. Le diagnostic de ces pannes a parfois été plus long qu’ attendu, notre communication a pu être déficiente et le switch mis hors service. Ce fut complexe d’avoir à convaincre notre FAI que la panne venait de chez lui. C’est cependant un cas presque unique. Et une seconde malheureuse chose est arrivé ce mois ci : la base de données centrale. La mise jour de sa configuration a entraîné un grand nombre de problèmes inattendus. Veuillez, à nouveau, accepter toutes mes excuses. Mais l’environnement logiciel est, à nouveau, maintenant très stable. Dans le fond, il est vrai que nous avons relativement peu de concurrence parce que le tout repose sur une technologie qui demeure particulièrement complexe.

R.V: En ce qui concerne le développement général de l’économie de Second Life, avez vous des pays cibles en particulier ?

P.R: Avec l’émergence de résidents de nouveaux pays, nous devons implanter de nouveaux sites web client adaptés. Avec l’émergence d’utilisations pertinentes de Second Life dans ces pays, nous tentons d’améliorer la localisation des services de Second Life – ceci est un de nos vrais défis. Cela veux dire d’implanter les sites web avec la gestion des clients, la facturation, le service client, le tout dans cette langue locale – ce qui représente un gros travail. Second Life est réellement devenu une plate forme internationale. En 2006, les résidents étaient à 70% américains et 30% d’ailleurs ; aujourd’hui cette proportion s’est inversée et 70% des résidents sont d’ailleurs que les US. Le fait de demeurer dans Second Life est une décision que les nouveaux utilisateurs prennent dans leurs premières heures de fréquentation. Nous perdons, aujourd’hui, une grande majorité de ces nouveaux visiteurs. Mais si vous commencez à utiliser Second Life et que votre expérience dure plus de deux mois, vous restez dans Second Life.

R.V: Pensez vous avoir besoin d’une plus grande plateforme en raison du nombre connections simultanées ?

P.R: Second Life grandit et c’est ce qui compte ! Aujourd’hui »hui, de 90 à 95 % des personnes qui créent un compte ne restent pas, 500 000 personnes l’utilisent 3 heures par mois cependant que 250 000 personnes l’utilisent 3 heures par jour .

R.V: Quid de la TVA facturée par une filiale britannique ?

P.R: La TVA s’applique et doit être respectée dans tous les pays. Cela suppose un coût élevé (20%) variant d’un pays à l’autre, et ce coût désavantage les gens ici. C’est une taxe injuste (elle n’existe pas aux Etats-Unis sur les services informatiques) contre laquelle nous ne pouvons pas lutter. La TVA constitue une grande frustration pour nous.

R.V: Que pouvons nous attendre de vous ? Et, qu’attendez vous de nous ?
P.R: Le développement de contenus est ce qui attire de nouvelles personnes, donc nous devons travailler ensemble. Pour l’instant, nous n’avons pas de concurrent car le mode de développement est difficile et nous avons été assez malins.

Partie III: Vision/prospective/ futur de Second Life et du Web 3D

R.V: Comment voyez vous le développement futur des mondes virtuels ?
P.R: La transition majeure est le passage du web au web 3D. De ce fait nous devons anticiper pour construire un monde meilleur et définir le futur. Nous devons faire en sorte de garder une plateforme ouverte. De mon point de vue, la technologie de Second Life doit opérer une double mutation : originellement, il s’agissait de textes connectés par des liens hypertextes. L’internet 3D tel que Second Life permet de présenter l’information de la manière la plus parfaite pour les êtres humains. Des symboles universels peuvent être utilisés et compris par tous, une chaise en constitue un bon exemple. Si on peut organiser l’information avec ces symboles alors on peut parvenir à une vraie transformation. L’homme est un animal social et Second Life permet de partager l’information avec les autres (consommer, créer, vendre, etc…) . En tant qu’esprits vivants nous avons besoin du contact avec les autres. Cette technologie permet d’échanger de l’information, d’assurer la consommation et la création en temps réel avec les autres. C’est cela que nous construisons et c’est précisément ce changement qui va guider le développement de l’Internet 3D.

R.V: Pourriez vous nous dire quelques mots au sujet de l’interopérabilité ? Faire un état des lieux? Les grandes orientations? Nous avons coutume de dire que nous sommes agnostiques en matière de plateforme, ces dernières vont se développer car tout le marché se développe. Que pensez vous de l’interopérabilité des avatars?

P.R: L’interopérabilité la plus utile se fera entre les réseaux sociaux et Second Life. Des solutions comme OpenID existent et répondent partiellement à cette question. Il n’existe pas de mondes 3D comparables à Second Life. Nous sommes plus dans l’optique de créer des expériences spécifiques sur des cibles précises (MTV Laguna Beach project). Je rêverais voir un avatar passer d’un monde à l’autre mais je ne sais quand ni comment cela se fera. Ya-t-il quelqu’un dans la salle qui utilise un autre monde 3D et souhaite le connecter à SL ?

Stéphane Desnault : Ce que je vends dans SL comme une passion, je rêverais de pouvoir le vendre dans d’autres mondes.

R.V: Importer et exporter des objets, qu’en est-il ?

P.R: Je rêverais de voir cela mais ce n’est pour l’instant pas compatible avec les mondes virtuels. Les objets sont les choses les plus incompatibles dans les mondes virtuels. La simulation de l’architecture et le rendu sont différents d’un monde à l’autre ce qui empêche les objets de passe de l’un à l’autre.

R.V: Qu’en est-il de la concurrence ? Pour certains de nos clients aller sur SL ou Habbo Hotel revient au même…
P.R: Certains clients ne perçoivent pas l’unicité de SL. Habbo ou Club Pinguin (mon préféré) développent des mondes analogues, mais le contenu est différent. IMVU est impressionnant d’un point de vue technologique. OpenSim est fantastique et rassure sur nos orientations. Les gens vont commencer avec des contenus simples pour se diriger vers des plus complexes. HiPiHi est plus ou moins comparable à Second Life, d’ailleurs notre business model nous encourage à nous rapprocher d’OpenSim.

R.V: Comment voyez-vous Second Life dans 3 ans ? Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?
P.R: Je réfléchis un peu plus à long terme. Dans 5 ans il serait bon d’avoir 1000 ou 2000 personnes qui travaillent pour nous autour du monde et de posséder un bon système fiable sous le grid. Je serais fier également si notre société devenait le leader dans cette branche de software et que nous puissions rester indépendants.

Partie 4: Questions des Bloggers

Parmi un auditoire de passionnés, de nombreuses questions se font jour !

Hugobiwan Zolnir de la Bibliothèque Francophone
J’espère que vous comprendrez mon anglais… Je m’interroge à propos des open formats, la faculté d’utiliser SL comme une partie de l’ensemble d’un éco système d’information.

Personnellement j’utilise OpenSim qui me permet d’importer des fichiers 3DS, de les utiliser comme des fichiers regroupés. J’ai réalisé des tests avec de vrais musées et découvert la possibilité de travailler sur tout type d’architecture, de plans, sur Google Earth, Ketchup, augmentant la réalité. Il est très important de faire des expériences avec les objets et les avatars, se déplacer dans des espaces mirroirs, avec une présence ici et là bas, et ainsi de suite ….

Mon problème est que je ne peux pas faire cela dans SL malgré toutes mes tentatives. Le même problème se pose pour la vidéo, le son, les sms. Il convient vraiment d’améliorer les liens entre SL et les standarts classqiues du web.

P.R.: Sur le contenu, le vrai problème concerne les fichiers regroupés de manière arbitraire. Si on créé une sim entière remplie de ces fichiers, ça prendrait une heure pour se logger. J’ai travaillé sur la compression, c’est mon passé professionnel. Cependant, dès que nous pourrons nous soutiendrons l’import en direct de tous les formats. Aujourd’hui tout ce qui est fait à partir de 3DS rend les sim inutilisables en raison des durées de chargement. Nous souhaitons SL aussi ouvert que possible et essayons de faire les choses dans l’ordre. Tout le monde souhaite pouvoir importer directement, il y a également des intérêts pécuniers, nous voulons aussi que vous en soyez capable.

Rosedale Paris

Jean-Michel Billaut, président d’honneur de l’Atelier BNP-Paribas
Quelle est votre vision de l’économie virtuelle dans 10 ans ? (inflation, impôts, immobilier, etc)
R.V : Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience au Congrès, comment ça s’est passé?
P.R: J’ai eu la chance d’être invité avec Colin Parris de IBM, Larry Johnson du New Media Consortium et Susan Tenby de TechSoup pour parler de Second Life. L’internet est un phénomène global, je ne suis pas sûr à propos des impôts mais a priori les transactions y échapperont . De même pour l’inflation, nous ajoutons de nouvelles devises, ce qui est la bonne technique, il est pourtant très difficile de créer un système monétaire à moins que tout le monde ne l’utilise. De même, pour ce qui concerne l’immobilier, je ne sais pas… On parle souvent du fait que le caractère illimité des terres ajoutées risque d’influer sur le marché. De toutes façons le prix des terrains sera toujours liés au prix du matériel informatique, des serveurs, etc…

Fred Cavazza:
Que pensez vous des plateformes de jeu crées par les sud coréens telles que : Kart Rider, MapleStory, Drift City ?

P.R: Kart Rider est juste l’une des meilleures choses au monde. J’essaie toujours d’expliquer SL depuis l’intérieur, c’est la façon la plus facile et naturelle… Kart Rider est un jeu de course de voitures, pourtant la plupart des biens vendus sont liés à l’apparence des utilisateurs pour les rendre plus cool. Les gens sont donc prêts à investir de l’argent même si ce n’est pas directement lié à l’expérience d’utilisation du jeu. Tout ce qui se déroule en Corée du sud est intéressant mais demeure différent de ce qui advient dans SL. L’appétit des asiatiques pour la technologie réside dans la pratique ludique : courte durée, se relaxer, s’amuser après le travail. Je simplifie évidemment un peu la situation, partout dans le monde chacun a ses raisons et ses usages, il me semble néanmoins que la tendance en Corée du sud est plus au Gaming qu’en France ou aux Etats Unis.

Gil Reveillon, LaSer :
Ma question porte sur le terminal permettant d’accéder aux mondes virtuels dans un futur proche. Il y a 3 milliards d’utilisateurs potentiels dont une une grande partie utilise de plus en plus d’intermédiation avec les téléphones mobiles et Comverse semble avoir trouvé une solution pour SL. Avez vous une idée de la manière dont ils vont intermédier dans le futur ? Par exemple, les sociétés chinoises et japonaises vendent de la publicité sur les jeux, quel est votre vision ?

P.R : SL sur les mobiles est un projet intéressant. La nature immersive de l’environnement SL créé sa puissance et son intérêt. Or cela ne peut pas être correctement restitué sur un mobile. La solution semble se trouver dans l’open source qui permettrait aux gens de le tester sur les mobiles et de trouver une manière simple d’y parvenir. Je pense que c’est possible. Une tendance lourde se dégage concernat la volonté des gens de se rencontrer, en 2007 15% des îles étaient entièrement utilisées à des fins éducatives, pour des universités, des écoles.

Rosedale Paris

Thomas Khayat aka Saddam Triskaidekaphobia, de Liberta et de SLMag :
Je suis très intéressé par les partenariats professionnels dans SL, travaillant moi même avec de nombreux partenaires. De même; je sais que Linden Lab a créé des partenariats avec IBM et Samsung par exemple. Souhaitez vous créer de nouveaux partenariats avec des grandes entreprises ou préférez vous une évolution plus modérée?

R.V : Thomas aimerait savoir si vous avez l’intention de créer d’importants partenariats avec des sociétés non spécialisées dans la technologie qui pourraient être intéressant pour le développement de cet environnement 3D ?

P.R : Tout d’abord, il ne me semble pas nécessaire de créer des partenariats directs avec ce type de companies, avec les sociétés d’infrastructures comme Facebook, Ebay ou Youtube… Le web fonctionne correctement dans SL, dès lors nous n’avons pas besoin de ce type de partenariat. Aujourd’hui, je ne vois pas de société non technologique avec laquelle nous pourrions créer un partenariat. En revanche, si l’envie de connecter des services bancaires par exemple avec SL se faisait sentir, c’est tout à fait le genre de partenariat que nous serions ravis de créer.

R.V.: un peu à la manière du partenariat avec IBM sur la sécurité des réseaux…

Serge Soudoplatoff : Je suis très intéressé par les applications business incluant par exemple le travail collaboratif, la relation client ou la vente de biens et services. Aurez vous vous une sorte de plan de route de IPI, de services web sur les serveurs qui seront publiés pour aider les gens à mieux savoir intégrer leur intranet ?
Ou bien devrons nous passer par IBM qui m’ont dit qu’ils commençaient à vendre des services web comme des bases ou des centres de données ? Comment cela va-t-il se passer ?

P.R : Je pense que nous devons travailler davantage sur une feuille de route. La raison pour laquelle nous n’avons pas donné de feuille de route jusqu’à présent est que nous ne savions pas exactement comment cela allait évoluer. Nous venons de commencer et cela va s’améliorer dans les tous prochains mois. Je suis plus à l’aise avec le moyen et long terme mais j’ai conscience qu’il nous faut fournir des orientations intermédiaires. C’est une évidence et notre nouveau PDG est là pour cela.

Stephane Desnault ou Stephane Zugzwang sur SL, Consultant stratégique, convergence :
Deux choses : Quand aurons nous une version de SL qui soit plus facile à mettre en oeuvre malgré les firewall des sociétés? Une tendance que j’ai remarqué consiste pour les sociétés comme Amazon a déployer une image partout dans le monde qui se déploie auprès de ses clients sans que ceux-ci n’aient à faire quoi que ce sot. Allons nous avoir droit à une image des serveurs SL que nous puissions déployer très facilement et rapidement?

P.R: Il existe des systèmes distribués, Google et Amazon l’ont annocé. Nous utilisons déjà Astree, le EC2 qui consiste à avoir un ordinateur fonctionnant comme un simulateur SL. Un problème se pose cependant, la simulation d’un monde virtuel dans un local suppose l’utilisation des CPU les plus puissants qui existent et les sims de virtualisation ne permettent pas d’avoir assez de puissance pour simuler SL, nous avonsd essayé EC2 pour SL mais cela ne fonctionne pas car c’est trop lent.
En ce qui concerne les firewalls, c’est plus facile. Nous travaillons avec IBM pour « tunneliser » SL pour le rendre plus perméable aux firewalls. C’est une nécessité. Personne ne travaille aujourd’hui sur ce sujet, c’est compliqué car il y a entre 15 et 20 connexions de réseaux. Nous devons parvenir à intégrer tout cela dans un seul tuyau propre au http.
Un autre problème réside dans l’installation du client, l’environnement informatique des sociétés ne permet pas d’installer le client. Nous devons essayer d’utiliser flash, des clients plus légers, ajax like par exemple. Je suis impatient de tester flash 10, il semble que cela puisse marcher, il a les fonctionnalités 3D. J’aimerais aussi pouvoir des gens créer leur avatar entièrement sur le web. Si quelqu’un ici veut travailler sur le sujet, s’il vous plait, qu’il s’y mette ! 😉

Jeanrem Beebe
J’ai entendu William Gibson dire il y a quelques semaines que nous ne sommes pas conscients du fait que le futur est déjà là . Pensez vous que SL soit une forme du futur déjà présent ? Quel est votre rêve en matière d’éducation dans SL ?

Philip Rosedale: J’adore William Gibson! Sa pensée exacte est : le futur est déjà là, c’est juste qu’il n’est pas équitablement partagé ! William Gibson est mon auteur préféré en ce qui concerne le metavers. Il est s’est promené dans SL et a eu une pensée très intéressante : en marchant dans Toronto, je vois des gens de Second Life dans la rue. Comme nous commençons à utiliser des avatars pour projeter une identité, d’une manière étrange, cela modifie la façon dont nous regardons dans le monde réel. J’ai parlé de cela à beaucoup d’utilisateurs de SL et me suis rendu compte que certains avaient changé leur façon de s’habiller. SL a une influence sur le monde réel. La distance séparant la fiction de la réalité s’amenuise de jours en jours. Jules Verne a écrit de la terre à la lune et cela a pris 74 ans avant de lancer le sputnik et nous avons marché sur la lune ! Snow Crash qui est la description la plus fidèle de Second Life a été publié en 1981 et cela nous a pris 15 ans pour réaliser SL !

Pour ce qui concerne le futur de l’éducation, je suis membre de deux conseils d’institutions scientifiques et suis persuadé que les sciences vont connaître un bond fantastique. Nous serons désormais capables d’enseigner la physique 10 fois plus rapidement. Il y a là des opportunités inouïes !

Gil Reveillon, LaSer : Il s’agit plus d’une vision stratégique cette fois … Vous nous avez parlé de votre site à Brighton en Angleterre, aux Etats Unis vous êtes de loin les leaders pour savoir et anticiper ce que sera l’internet de demain. En Chine il y a le CRD pour les mobiles , etc… Comment pouvons nous convaincre l’Europe et le gouvernement français de promouvoir et vendre la 3D au travers d’une plateforme qui serait uniquement basée à Brighton ? Quels sont vos intentions pour l’Europe ?

R.V: Si je résume, être à Brighton ce n’est pas être en Europe ? Nous sommes un peu frustrés…. Que comptez vous faire pour les résidents français et les sociétés spécialisées dans SL ?

P.R: Bien plus qu’un installateur… Nous avons un Second Life optionnel mais il n’est pas encore assez abouti pour être publié. Nous devons travailler ici et ouvrir des bureaux le plus tôt possible. Brighton compte 5 employés, nous nous développons aussi vite que possible. Le service doit également être amélioré.

Yohan Launay ConceptSL : Peut être serais-je poursuivi en justice dans les prochains mois pour le nom de ma société… ? Se diriger vers un logiciel en tant que service d’application d’hébergement et nous savons que Google est est extrêmement fiable en termes de qualité de services. Comment pouvons nous convaincre les sociétés de s’implanter dans SL si nous devons faire face à des problèmes de stabilité aussi fréquents?

P.R : Je suis d’accord, nous devons améliorer la stabilité. Je suis désolé que cela ne soit pas plus stable. Pourtant Google ne peut pas faire tourner Sl mieux que nous. Il y a une grande différence entre la capacité de stocker des données et de faire tourner SL . Quelle caractéristique du système êtes vous prêt à laisser de côté pour cela ?
Quand j’ai présenté Second Life, j’avais l’habitude d’avoir des photos de Pyramids, le plus grand centre commercial des Etats Unis. Vous pouvez imaginer comme cela peut être laid… disais-je 😉 Cela représente le plus grand édifice centralisé que les humains ont pu créer. J’avais d’autres photos, Paris centre, Tokyo, New York, ces villes sont intéressantes car elles ont été construites par chacun, elles sont chaotiques, parfois frustrantes, mais contiennent la magie de tout ce que nous aimons dans le monde. Je voulais que Second Life ressemble à cela.

R.V.Au nom de tous, je vous remercie de votre présence !

Rosedale Paris

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Philip Rosedale in Paris : transcript (Apr. 25, 2008) Le jury Intraverse s’est réuni le 30/05/2008 pour juger 36 dossiers

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